Il était une fois... l'usine Ratier

De l’ébénisterie aux hélices

L’entreprise Ratier est fondée en 1904 à Malakoff par Paulin Ratier, artisan ébéniste et fabricant de boîtiers pour appareils électriques. Celui-ci ajoute bientôt à son activité une scierie mécanique, puis s’associe en 1910 à l’ingénieur Bertrand Montet, avec qui il commence à produire les hélices Rapid. C’est en 1913, à la veille de la Première Guerre Mondiale que les usines Ratier s’installent à Montrouge, au 155 route de Châtillon (aujourd’hui avenue Pierre Brossolette), sur un terrain plus vaste que celui de Malakoff.

Avec la Grande Guerre, les commandes aéronautiques explosent : Ratier commence par construire, en sous-traitance, des fuselages et des voilures pour les avions Voisin, que Breguet fabrique sous licence, puis des voilures pour tous les avions Breguet conçus pendant le conflit – plus de 1 000 voilures seront produites pour le Breguet XIV. Mais c'est surtout par ses hélices en bois, fabriquées sous sa propre marque à partir de 1915, que la maison Ratier se fait connaître dans le domaine aéronautique – jusqu’à devenir le fournisseur de l’aviation militaire française.

Le virage mécanique

À la fin de la guerre, les commandes diminuent et l’activité aéronautique retombe d’autant plus bas que les militaires ont des stocks. L’entreprise survit mais une grande partie du personnel quitte la maison Ratier en 1919. Suite à la mort de son épouse Léonie en 1920, Paulin Ratier fait face à des problèmes de trésorerie qui l’obligent à vendre ses grandes usines du 155, route de Chatillon pour acheter un terrain plus petit au 97 de la même rue et y faire construire une usine davantage tournée vers la mécanique. Il s’y installe en juillet 1923et fait alors le choix de se reconvertir, comme beaucoup de constructeurs aéronautiques de la Grande Guerre, dans l’automobile. C’est par la réalisation d’un jouet qu’il rejoindra cette nouvelle mode : en 1924, il dépose un brevet et la marque Citroënette® pour une voiture d’enfant à pédale, à échelle réduite. André Citroën est séduit et passe commande – plus de 3 500 voitures sortiront de l’usine entre 1924 et 1927. En 1926, Ratier conçoit et fabrique parallèlement une voiture 6 chevaux, mais dont les succès en compétition ne se concrétiseront pas commercialement.

Le site de Figeac

En 1917, le manque de bois avait conduit Paulin Ratier à louer une scierie à Figeac, dans le Lot, région riche en bois de qualité. Dans les années 1930, alors que le gouvernement conduit une politique de décentralisation des usines liées à l’armement, la société installe à Figeac un site où seront fabriqués des moyeux et des pales d'hélice en Duralumin. Le personnel migre également de Montrouge à Figeac, bien que la direction générale reste à Montrouge.

Dès 1941, les commandes pour l’aviation deviennent allemandes : les hélices Ratier équipent alors les bombardiers Heinkel. La première grève victorieuse de l'usine, le 22 octobre 1942, s’organise contre la désignation de seize ouvriers pour l’envoi en tant que travailleurs en Allemagne dans le cadre de la relève signée entre Vichy et le Reich. En 1944, le site est cependant saboté par la Résistance. Puis, après-guerre, la société traverse une nouvelle crise et se lance temporairement dans la fabrication de bicyclettes. Elle récupère également des pièces de motos BMW, puis conçoit sa propre moto (le général de Gaulle a d'ailleurs équipé son escorte présidentielle de motos Ratier, mais l’État n’ayant pas renouvelé son contrat, guère plus de 1 200 motos seront fabriquées).

La décennie 1951-1961 offre cependant une conjoncture exceptionnelle qui permet à l’entreprise de se diversifier et de multiplier par dix le nombre de ses salariés. Dès les années 1970, Ratier participe au programme Airbus pour fabriquer des commandes de vol, puis lance dans les années 1980 des hélices en matériaux composites, en collaboration avec l'américain Hamilton Standard, qui finira par acquérir 100 % du capital de Ratier-Figeac en 1998. En 2007, le site français devient l’unique site de fabrication d'hélices du groupe.

L’ancien atelier de Montrouge, nouveau lieu de rencontre

Dans les années 1960, les ateliers Ratier de Montrouge sont rachetés par la CSF (Compagnie générale de Télégraphie Sans Fil). Désormais, un espace unique et hybride a germé dans l’ancien atelier industriel, rue Paul Bert : l’Atelier des Jardiniers y a ouvert ses portes en juillet 2021, avec à son bord des projets novateurs et fédérateurs allant de la restauration locavore à l’écocitoyenneté, en passant par la création artistique.