Il était une fois... la rue Louis Rolland

Au numéro 4 de la rue Rolland, une inscription - « Léon Tailleur » - en devanture d’une maison... Au n°19, une plaque commémore le souvenir des résistants montrougiens Etienne et Georges Mege... Deux discrètes mentions racontant à elles seules des moments douloureux de la Seconde Guerre Mondiale, dans une France tiraillée entre collaborationnisme et résistance.

17 JUILLET 1942, LA RAFLE DU VEL D’HIV

Au 4 rue Louis Rolland retentissent les sirènes des voitures de police. Depuis deux jours, dans Paris, mais aussi en banlieue, une importante rafle est menée. Des milliers de familles juives sont enlevées et acheminées en autocar au Stade vélodrome d’Hiver ou au camp d’internement de Drancy... Pour ensuite être déportées au camp d’Auschwitz. On la nommera la rafle du Vel D’hiv, gravée dans la mémoire de ses survivants et des Français... Au 4, rue Louis Rolland, vit celui qu’on appelle « Léon Tailleur », avec sa tante Marie. Ils ont un petit atelier donnant sur la rue. Dans le même immeuble au 3e étage, le petit Raymond Federman, né à Montrouge, habite avec son père Simon, artiste peintre, sa mère Marguerite, ses sœurs Sarah et Jacqueline... Au coin de la rue Louis Rolland, le cafetier du coin, Marius voit arriver la police et file prévenir Léon et les Federman.

UN « CHUT » QUI SAUVE...

Léon et sa tante ont le temps de s’enfuir, mais pas la famille Federman. Dans la précipitation, Marguerite cache son petit garçon Raymond dans un placard avant d’être arrêtée : « Chut », lui dit-elle doucement, en guise de mot d’adieu... Un dernier geste qui sauve la vie de Raymond Federman. Ce dernier a émigré aux États-Unis en 1947 où il a enseigné à l’Université de Californie, puis à l’Université de Buffalo d’où il a pris sa retraite en 1999 avec le titre de professeur émérite. Il laisse derrière lui une quarantaine de livres, dont certains traduits en une douzaine de langue. Sa famille pour sa part a été déportée à Auschwitz, sans retour. Plus de 13 152 Juifs dont une majorité de femmes et d’enfants ont été arrêtés et déportés lors de cette rafle.

RÉSISTANCE MONTROUGIENNE

Si l’on avance dans la rue Rolland jusqu’au 19, on découvre la plaque commémorative en hommage à Pierre et Étienne Mège. Ce dernier travaillait comme opérateur radio au ministère de la Marine à Toulon, puis il a été muté à Paris. Son fils Georges terminait une formation d’électricien quand ils ont été engagés, au début de la Seconde Guerre, dans les Forces françaises combattantes. Intégrés aux réseaux «Alibi et Sosies», dirigés par les lieutenants colonels Charaudeau et Pontchardier. Ils étaient chargés de transmettre des messages codés à Londres sur les déplacements des troupes allemandes et le repérage des rampes de lancement des missiles balistiques développés par l’Allemagne nazie.

DESTINS HÉROÏQUES

Malheureusement, ces deux résistants de l’ombre ont été arrêtés par la Gestapo, le 30 juillet 1944 à leur domicile... au 19 rue Louis Rolland. Ils ont été déportés à Buchenwald par le dernier convoi du 15 août 1944. À Dernau, (Rhénanie), ils ont travaillé sous la menace des SS dans des tunnels, dans des conditions inhumaines. Devant l’avance des Alliés, ils ont été évacués d’abord à marche forcée vers l’Allemagne, puis remisés dans un train de marchandises. Après une tentative d’évasion lors d’un bombardement, ils ont finalement été libérés le 8 mai 1945 à Ceske Budejovice par des partisans tchèques. Cependant, Étienne, gravement blessé par balle, dans un état de dénutrition extrême, meurt le 16 mai 1945. Georges, pour sa part, est revenu grand invalide, à la suite des privations et des sévices subies. Il n’est décédé qu’en 2000. Désormais tous les 25 août, à l’occasion de la commémoration de la Libération de Paris et de Montrouge, le Maire et les élus viennent honorer, au numéro 19, la mémoire de ces héros montrougiens de la Seconde Guerre Mondiale.